Mamie J.

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Mamie J.

Elle était celle qui aimait de manière inconditionnelle, qui aimait sans ne jamais rien demander en retour, et qui après 103 ans de vie, et 32 partagées avec la mienne ne m’a jamais fait de peine. Et je crois que c’était bien la seule 

Ton départ ne s’est pas passé comme je me l’étais promis, partir dans ton lit, ta main dans la mienne. Si tu savais comme je regrette Mamie. 

Mais plutôt que d’écrire mes regrets, je vais me raconter tous ces souvenirs heureux que tu m’as laissé.


Tu as été une mamie incroyable, de celle qui souhaitait qu’on ait les même robes, qui décidait de se lever en pleine nuit … pour se faire quelques crêpes, juste à l’envie. Et pourtant tu avais déjà plus de 100 ans quand tu t’évadais dans la cuisine… 

Une mamie volontaire, forte tête qui savait ce qu’elle voulait et ne laissait personne l’infléchir. Je ne t’ai d’ailleurs jamais vu céder à rien.  

Je te vois encore, du haut de mes souvenirs, à ta fenêtre me guetter à la sortie de l’école, un peu comme dans barbe bleue ma soeur Anne ne vois tu rien venir ? Mais en m’accueillant avec des pâtes multicolores et des escalopes panées pour que je caracole. Dans cet ancien appartement, juste au dessus du miens ou tu as résidé toute ta vie jusqu’à la mort de Papi (+ de 50 ans). Face au muséum d’histoire naturel et d’un petit fleuriste, les escaliers que je gravissais si vite, mes parents bossant à l’agence d’architecture, et au final je ne les voyais jamais. Tu jonglais d’une main entre ta vie, ma garderie partagée avec la nounou. Je crois que je n’ai jamais tant aimé ces deux étages d’escaliers que ces années d’enfance. Cela fait plus de 20 ans que je n’ai pas monté ces marches, mais je suis sure qu’en arrivant devant ta porte, je sentirais ta présence. 

Des après midi à jouer aux cartes, à regarder Question pour un Champions, faire des puzzle ou des casses têtes en bois. A m’apprendre le bridge, la belotte et quand on était toutes les deux, au rami. Des heures qui m’ont paru des secondes, tant j’ai compris de choses ainsi. 



Les montres, les horloges étaient partout. Comme si tu savais que le temps avais toujours été précieux. Pour tes 103 ans je t’en ai offert une nouvelle rouge, avec de gros chiffres pour bien comptabiliser le temps qui s’égraine lorsque l’on était ensembles. Cette tête de trop adorable d’enfant gâtée, si pressée de la mettre à ton poignet. je crois que c’est ce qui te représente le mieux. Ces bonheurs simples, si vif des pépites dans les yeux. Tu avais besoin de si peu pour te réjouir de tout. 

Puis tu laisseras tes petites pépites de vie partout dans la mienne émiettées. Comme ne jamais laisser une bouteille entamée sur une table après un déjeuner ou un diner : si par mégarde la vie passe et nous reprend, que penserons les soignants ? 

C’est ce que tu me disais après avoir partagé ce petit verre de liqueur de mandarine pour que vite vite dans le buffet j’aille la ranger. Imagines ce que l’on dirait de nous hein ? 

Tu m’as appris à choisir de l’électroménager pour qu’il ne vieillisse pas prématurément, mixant la viande de tes petits pâtés dans le même mixer depuis 35 ans.

J’ai bien essayé de te dire que nous quelque chose comme ça ce n’était pas possible, que l’obsolescence programmée gagnait au bout de 3, 5 ou 7 ans. Tu me ressortais ton mixeur pour me prouver que c’était possible de vaincre le temps. 

Je me souviendrais toujours de ce puzzle poissons, qu’ensemble nous avons fait pour ton premier mari, disparu en mer, et que tu as collé sur du un contreplaqué pour en faire un tableau. Des petits poissons noir et jaune dans une eau turquoise. Ça y’est je les ai vu Mamie. Quand nous faisions le puzzle, Je t’ai alors avoué que les poissons me faisaient peur et que je détesterais aller dans l’eau les rejoindre pour nager. Tu m’as répondu qu’une femme ne doit pas se laisser diriger par la peur et qu’un jour, je devrais regrouper tout mon courage pour sauter sans réfléchir et avec ferveur.

Tes mots ont raisonné longtemps. J’ai essayé pour mes 30 ans à Bali. Ce n’est pas tant les poissons, ou l’eau. Les deux j’adore ça. C’est l’infiniment profond avec ses frottements un peu gluant ahaha que je redoute.

Bon a Bali ça a été un échec pas fou hein, même si c’était le jour des mes 30 ans. L’année dernière le dernier jour de mon voyage initiatique ici je suis allée plongée à la mer morte avant de prendre l’avion. J’ai sauté, je cri rarement mais la j’ai crié ahhhhh la mer était recouverte de mini méduses, inoffensives mais bon. Moi ce que je n’aime pas c’est le gluant… donc bon… j’étais servie. Bon j’ai sauté et je suis remontée vite fait sur le bateau hein, car nager dans des flamby non merci. Ici l’eau est claire et limpide, turquoise comme tu aimerais. Le lendemain du jour ou j’ai appris pour ton départ, j’ai tenu ma première promesse. Réussir à vaincre la seule peur qui me paralysais. J’ai pu faire le grand plongeon. Je dois t’avouer Mamie que lorsque j’ai appris pour toi, je me suis enfuie. J’ai rejoint la mer qui m’a toujours rassuré.

La mer c’est l’endroit qui me calme plus que tout. Et j’étais tellement en colère. Tellement. Ici elle est a 4h, ce n’était pas bien compliqué d’honorer ta promesse. Et après beaucoup de traversées du désert, je l’ai vu cette grande bleue. Et dans cet infini. J’ai compris que tu serais partout, dorénavant. Ici ou ailleurs.

Pour pouvoir te le raconter, cette réussite et déposer le premier adieu promis, j’ai écris un minuscule petit mot, que j’ai laissé dans la mer se dissoudre dans l’eau. (c’était du papier recyclable rassures toi) 





Je suis allée voir des couchers et des levées du soleil, et pendant 2 jours j’ai mangé des crevettes. C’est con, et beaucoup ne comprendront pas et vont se permettre de juger ce deuil. Tant pis toi et moi on sait. Ahhah Je n’ai mangé que des crevettes. Tu étais partout. 

Puis le dernier levé de soleil. aller le voir naitre, et j’ai compris que tu serais toujours un ange, comme tu l’as toujours été mes cotés.

J’ai aussi compris que je ne serais pas là pour pouvoir t’accompagner au cours de la cérémonie officielle, mais qu’à plusieurs milliers de kilomètres, je t’honorerais dans cette contrée où demeure des tombes immortelles.  

Alors j’ai retraversé le désert, pour rentrer sous la vallée des reines. Tu méritais d’en être une éternelle. 

J’ai ravalé mes larmes et j’ai pensé au papyrus au dessus de ton lit, celui relatant la croisière dont tu m’as beaucoup parlé et que tu avais fait avec Papi. L’égypte c »était ton rêve. 

J’ai pris ma bicyclette, j’ai pédalé dans le désert cherchant la dune parfaite pour y faire cette dernière quête. 

Au soleil couchant j’ai allumé une lanterne – le vent soufflait fort comme si les éléments ne voulaient pas que je te laisse partir. Alors j’ai creusé un petit puit dans le sable, y ai mit quelques brindilles d’une branche épineuse mais cela ne semblait toujours pas suffire. 

Un petit groupe d’égyptiens nous a vu et c’est approché pour nous aider. Tu auras surement ris de nous voir autour de ce minuscule brasier, tous accroupis.Ils n’ont pas vraiment compris quelle était la raison mais ont joins leurs coeurs et leurs mains par compassion. 

Puis finalement nous avons réussi – le petit feu sur le petit morceau de cire a pris. Mais c’était sans compter sur le vent qui soufflait qu’il fallait faire autrement.

Finalement la lanterne je l’ai enterré. Dans cette immensité pleine de splendeurs – avec un autre petit mot, le sable sera leur dernière demeure. 

J’ai regroupé mes mains en forme de coeur et je t’ai laissé partir, ainsi que mon chagrin et ma douleur. 




Pour tes 103 ans je t’ai offert cette montre en te disant que chaque minute de ton temps était infiniment précieuses. 

Tu m’as répondu qu’il fallait saisir la vie comme elle vient. Elle est restée longtemps avec elle la vie, surement pour que je garde mon phare dans la nuit.

Je sais que tu as rejoins papi, que tu fais déjà les meilleures crêpes du Paradis, et que pour éviter de se lasser, tu joues au bridge avec tes amies de ton groupe que tu as retrouvé. 

Tu sais Mamie je sais que dire mon prénom à toujours été difficile. Il était celui de la femme que tu remplaçais, de la mère que tu remplaçais. Je sais que ça a toujours été difficile que je sois celle qui sois la plus proche de toi, au quotidien, jusqu’à la fin. Mais tu ne me l’a jamais fait porter. Et tu aurais pu. Etre aigri de toutes ces remarques familiales, des rêves de Papi, qui disait Amélia lui aussi parfois. 

Tu restes la seule qu’ils ont quasiment tous connus, tu sais le plus jeune avait 7 ans au départ d’amélia et mon père 2. Moi je n’ai jamais connu que toi. Et puis tu sais avoir une mamie qui s’appelle comme moi ça ne m’aurait pas tant plus que ça. 

Je t’aimerais toujours ma Jeanine jolie. 

Je te dis aurevoir ici, mais adieux on le sait toutes les deux ça n’arrivera jamais tu seras toujours la grand mère feuillage, qui seras dans chaque pas que je foulerais. 

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