Faillite de la Nymphea’s Factory : la Liquidation

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Faillite de la Nymphea’s Factory : la Liquidation

L’ARTICLE DE LA DERNIÈRE PÉRIODE : OCTOBRE 2020

Bienvenue sur cette dernière page de notre histoire :

La liquidation judiciaire de la Nymphea’s Factory !

Si tes yeux se posent sur ces lignes, je dois de nouveau te donner quelques éléments : 

  • si tu n’as pas lu l’article sur notre redressement judiciaire, fais le en utilisant CE LIEN, et celui sur la période d’observation ICI
  • Cet article relate les raisons et les conséquences de notre liquidation judiciaire, je raconte des faits que volontairement je n’extrapole pas ou je n’interprète pas. Je ne souhaite faire aucun grief ou accusation aux administrations que je cite. Les fonctionnaires qui y travaillent doivent gérer une augmentation du nombre de cas sans forcément avoir les moyens matériels ou humains qui découlent de cette soudaine et brusque augmentation.
  • Cet article est vraiment le plus long de cette trilogie. Si tu es intéressé par la procédure de liquidation, rend-toi directement à la 3e et 4e partie – si tu souhaites connaitre ce qui nous a personnellement conduit à cette finalité, je te souhaite une bonne lecture. 

But de l’article : Vous raconter la fin de la vie juridique de notre petite société en 3 étapes et vous donner mes conseils d’entrepreneur ayant traversé ces difficultés. 

I/ 1er plan de relance : Décembre 2019 – Mars 2020

A/ Décembre 2019 : Contrainte légale, ne pas créer de dette

Nous voici en décembre 2019 : le jugement de RJ a été prononcé. Maintenant que nos dettes sont gelées et que les acteurs sont déterminés il ne nous reste plus qu’à relancer notre activité. 

Attention, LA contrainte majeure du redressement judiciaire est que nous ne devons pas créer de dette. Nos dettes antécédentes sont gelées, les actions en justices misent entre parenthèse, le compte bancaire est neuf et les découverts suspendus mais il nous est scrupuleusement interdit de passer en négatif sur ce nouveau compte. 

L’administratrice, grâce au Cahier de Trésorerie, y veille scrupuleusement.

B/ Janvier 2020 – Mars 2020 : Nouveaux contrats

Par persévérance ou par chance (ou un peu des deux) nous avons réussi à signer de nouveaux contrats. En contactant nos précédents clients, en cherchant de nouvelles opportunités. 

De plus ses contrats sont récurrents (ce qui est plutôt rare dans notre business) : nous animerons des ateliers tous les mois ! 

Nous commençons à croire en un avenir plus radieux, où nous pourrons de nouveau générer un chiffre d’affaire positif ! 

C/ Mars 2020 : Le confinement

Je ne vais pas m’étendre sur le sujet : Amélia m’avait prévenu que le confinement allait arriver et être la seule solution face à la progression de l’épidémie. 

Je n’ai pas voulu la croire… Mais de toute manière cela n’aurait rien changé à notre situation professionnelle.

Les nouveaux contrats réguliers qui annonçaient notre renaissance sont gelés – nous n’animerons pas d’atelier dans des magasins qui sont fermés !

II/ Ré-Adaptation : Mars – Mai 2020

A/ Écrire une nouvelle histoire

Constats :  

  1. Les contrats précédemment signés sont annulés sans possibilité de les faire exécuter : nos clients sont eux même en difficultés financières où les conditions d’exécutions sont contraires aux règlements administratifs de protection sanitaire.
  2. L’aide exceptionnelle du fonds de l’Etat ne couvre pas nos charges courantes

= Nous allons forcément générer de la dette

Plutôt que de se morfondre suite à ce constat, on se remonte les manches, on invente d’autres choses : Amélia crée avec d’autres instagrammeuses le compte @evasion_maison – je finalise la transformation du local en boutique et crée le meuble de la vitrine, les présentoirs et lève tous les obstacles qui nous ont empêché d’ouvrir.

B/ La Boutique

Ce projet nous tient à coeur depuis que nous avons loué le local en 2015 ! 

Alors oui, nous vous en avons parlé et reparlé et tarder à rendre concret ce projet. Mais cette fois, le temps de pause obligatoire généré par le confinement a été mis à profit pour ouvrir les portes !

Déjà il fallait solutionner les problèmes principaux récupérer les créations des créateurs, afficher les prix, faire les présentations des super créateurs qui nous suivent dans ce projet, mettre en place le process de paiement…

Mais aussi les soucis pratiques : je peux vous assurer que réaliser des petits présentoirs à bijoux qui mettent en valeur les créations, détourner des boites en verre pour en faire de jolis écrins mais aussi réaliser la vitrine ou les meubles de présentoirs – cela en upcyclant notre stock et nos matières premières pour éviter d’aggraver une situation financière déjà catastrophique ça n’a pas été une mince affaire… Sincèrement, il s’agissait de résoudre une quantité immense de petits problèmes et chaque solution nécessitait des interventions techniques.

Mais finalement nous avons réussi et la boutique s’est ouverte !

DÉTAIL IMPORTANT

RENTABILITÉ D’UNE BOUTIQUE

Si vous souhaitez un jour louer un local pour en faire une boutique / un pop-up / un atelier, je vous partage ici un secret qui m’a été dévoilé par Olivia, la fondatrice des Impertinentes, une commerçante elle même fille de commerçant !

Le loyer de votre local ne doit pas représenter plus de 10% de votre chiffre d’affaire !

Moi j’étais loin du compte – donc dès l’ouverture je savais que la Boutique ne serait qu’un épisode car je n’atteignais pas le seuil de rentabilité. 

Cependant il était impensable de rendre le local sans réussir à finaliser ce projet et la conjoncture faisait que la moindre création de chiffre d’affaire valait la peine d’être réalisée !

C/ Juin 2020 : Focus Fiscal, Les vrais ennuis commencent

Il faut le dire, le fond d’aide exceptionnel de l’Etat a très bien fonctionné et vu le nombre IMMENSE de demandes, les fonds étaient versés vraiment rapidement.

SAUF QUE

En juin 2020 la Direction Général des Finances Publiques (DGFiP) m’avertie que nous ne pourrons plus percevoir l’aide car nous avons une dette sociale ou fiscale qui n’est pas couverte par un plan de financement ou d’apurement avant la période de décembre 2019.

DETTE FISCALE = Impôt des société, TVA… -> FISC

Je ne peux pas me rendre au comptoir de paris 13 qui est fermé à cause du confinement. Je les contacte et on me répond qu’en tant que société en RJ je relève du service contentieux. On me donne des coordonnées et le service me confirme au bout de quelques jours que je n’ai pas de dette fiscale car elle est bien gelée par le jugement de RJ

DETTE SOCIALE = Cotisation patronale, charges sociales -> URSSAF

Je suis déjà en contact avec l’URSSAF depuis octobre 2019 à cause d’un problème de saisine de nos revenus 2017.

FOCUS DÉCLARATION DE REVENUS POUR LE GÉRANT MAJORITAIRE D’UNE SARL

Chaque année, le gérant majoritaire d’une SARL doit déclarer la rémunération annuelle qu’il a perçu de la part de sa société. C’est ce chiffre qui permet de calculer les charges patronales qu’il va devoir payer (qui sont aux alentours de 55% de la rémunération du gérant pour une SARL).

Cette rémunération (assimilé à un salaire) va ensuite être pris en compte pour payer l’impôt sur le revenus – c’est pour cela qu’on parle de double imposition des entrepreneurs.

En 2017, la société était encore en cours de lancement et donc nous nous sommes versés qu’une très faible rémunération (pour conserver les capitaux au seins de la société et éviter cette double imposition sur un chiffre d’affaire encore faible). L’URSSAF n’ayant pas reçu notre déclaration de revenus, elle a appliqué la procédure qui prévoit une déclaration d’office évaluée par la Loi de Finance… et qui est d’un montant environs 20 000€ supérieur à la rémunération que nous avons véritablement perçue. Cette procédure dispose aussi que tant que le revenu du gérant n’est pas corrigé, il reste en déclaration d’office.

Ainsi notre dette sociale a été calculé sur un rémunération d’office des années 2017, 2018 et 2019.

En juin 2020 la correction de notre rémunération de 2017 n’est toujours pas pris en compte. Il faut associer le document correctif de rémunération de 2017 avec notre compte de travailleur indépendant mais les agents que j’ai au téléphone ne réussissent pas à le faire. 

Cette saisie va finalement être enregistrée… mais en septembre 2020.

Malgré tout cela, je ne réussi pas à comprendre d’où vient le problème et l’aide du fond exceptionnel nous est suspendu pendant ce temps, alors que nos charges continuent de courir sans que nous puissions négocier une remise de loyer.

NOUS AVONS DONC CRÉÉ DE LA DETTE.

III/ Vers la Liquidation : juin- octobre 2020

A/ Papi Rothschild : conseils pratiques pour se préparer à une audience commerciale

Nous avons crée de la dette. conséquence : l’administratrice à demandé une audience au  tribunal de Commerce pour demander la conversion de notre Redressement Judiciaire en Liquidation Judiciaire, elle va avoir lieu en septembre 2020

 

Durant les quelques mois d’ouverture de la boutique, j’ai pu faire de magnifiques rencontres ! Celle-ci a eu lieu dans de conditions vraiment particulières : Quelques jours après avoir appris le décès de mon grand père, je vois entrer dans la boutique 3 femmes, une mamie, une maman et sa fille. Elles faisaient parties de la même famille et étaient réunis par le décès de leur beau-fils / cousin / oncle (en fonction des générations). Seule la grand mère habitait Paris et c’est devenue une habituée. En discutant au cours d’une de ses venues, je lui raconte ma future audience, elle me répond qu’elle est entrepreneuse, qu’elle a créé de nombreuses entreprises, certaines ont été liquidé et d’autres se portent très bien et qu’elle a fait cela avec son mari – qui avant d’être son associé était banquier d’affaire à la Banque Suisse et à la Banque de Rotschild. Elle me propose de me l’envoyer dans un futur proche pour qu’il m’aide. 15 minutes plus tard, un homme agé rentre dans la boutique et me dit qu’il est envoyé par sa femme pour aider un entrepreneur qui doit préparer son audience. 

Je venais de rencontrer Papi Rotschild

LES CONSEILS DE PAPI ROTHSCHILD POUR SE PRÉPARER À UNE AUDIENCE AU TRIBUNAL DE COMMERCE

  1. ECRIVEZ VOTRE DISCOURS : Une audience est un moment particulièrement stressant et de plus vous aurez seulement quelques minutes pour vous exprimer – donc écrivez ce que vous prévoyez de dire et relisez le à voix haute la veille de l’audience pour parfaire et synthétiser votre plaidoyer.
  2. FAITES UN DOSSIER ATTRACTIF : l’administratrice va faire une note qu’elle enverra au greffe, mais vous aussi faîtes votre dossier pour vendre votre idée – les juges du tribunal de commerce sont eux même entrepreneurs donc monter un dossier qui mette en valeur votre projet de sauvegarde : une présentation succincte, des prévisionnel semestriel clair et vendeur, une analyse SWOT pertinente. Attention non plus à ne pas gonfler les chiffres car vous allez devoir réaliser vos prévisionnels dans les mois à venir,
  3. DÉPOSER VOTRE DOSSIER 8 JOURS OUVRÉS AVANT L’AUDIENCE : allez déposer votre dossier EN 5 EXEMPLAIRES 8 jours ouvrés à l’avance (c’est la procédure à Paris, renseignez-vous auprès du greffe de votre tribunal). Personnellement je l’avoue je n’avais aucune idée de ce délai et j’ai déposé mon dossier à la fermeture du greffe la veille de l’audience de septembre… Je me suis fait bien  houspiller par le greffe mais il a accepté d’enregistrer mon dossier et le lendemain, la juge avait pris le temps de le lire – normalement mon dossier aurait du être rejeté et non présenté.

B/ Audience de septembre 2020

Cette audience avait pour but de convertir notre redressement judiciaire en liquidation. 

Mon dossier monté avec un très fort soutien de papi Rothschild  prévoyait 3 temps :

  • 1er temps – A/ Réussir à percevoir les aides du fond exceptionnel des mois de mai à septembre : j’avais proposé un échéancier à l’URSSAF fin juin 2020 – mais celui-ci n’était pas validé car les agents devait attendre les derniers décrets d’applications du ministre des finances pour le plan COVID. J’espérais donc qu’après régularisation, je pourrais demander le versement à postériori des aides et ainsi diminuer la dette créée. B/Réaliser de nouveaux projets : avec la reprise de septembre nous avions de nouveaux projets qu’il fallait réaliser pour après pouvoir facturer.
  • 2ème temps – Continuer de faire fonctionner la boutique et encaisser les projets facturés : Après avoir perçu de la liquidité grâce aux aides, nous percevrions les paiements des projets effectués dans le 1er temps (nous sommes fréquemment payés 30 jours fin de mois ou 45 jours dates de facture – donc 1 mois et demi après avoir fini ou publié un projet) et continuerons de faire fonctionner la boutique.
  • 3ème temps – Étendre le fonctionnement de la boutique pour vendre la partie inutile de notre patrimoine : L’administratrice savait comme nous que nous pourrions optimiser la vente de notre patrimoine par un beau merchandising et nos conseils en boutique. Le stockage étant la source de nos charges les plus lourdes (les loyers de l’entrepôt et du local) la vente du stock inutile permettait de remplir une double utilité : gagner un peu de chiffre d’affaire et vider de l’espace.

C’est ce plan synthétisé, évalué et chiffré que j’ai présenté et qui a été accepté par la Cours et l’administratrice pour nous laisser poursuivre la période d’observation – Rdv pour une nouvelle audience en janvier 2021 #Victoire

C/ Les aides : nouveaux problèmes

C’est surtout pour ce paragraphe que j’ai noté le 2e petit point de l’introduction…

URSSAF : Notre déclaration corrective de 2017 à enfin été prise en compte – suivie par celle de 2018 et 2019 ! Donc notre dette est mise à jour et cette nouvelle évaluation est inférieur de 10 000€ à la précédente – bonne nouvelle. La moins bonne nouvelle c’est que c’est à ce moment que j’ai appris que contrairement à ce qu’on m’avait dit depuis décembre 2019 avec le redressement judiciaire, la dette sociale porte sur notre compte de travailleur indépendant et donc elle n’est pas gelée par le RJ, et nos fonds personnels peuvent être saisis pour rembourser. De plus l’échéancier maximum est de 36 mois par décret ministériel (la date précédente était de 12 mois) donc les échéances sont très lourdes pour notre situation personnelle qui est déjà en crise – bah oui, nous travaillons à 2 dans une société qui ne peut plus nous rémunérer… comment réussir à payer en plus des échéances alors que nous ne pouvons déjà pas payer notre loyer… #logique du système…

DGFiP : Selon eux, j’ai pu présenter l’échéancier accepté par l’URSSAF seulement en septembre 2020 donc j’ai dépassé le délai pour prétendre obtenir l’aide à postériori de mai 2020. Je leur montre – mail et accusé de reception daté à l’appui – que j’ai entamé la procédure dès le 20 juin et que c’est l’URSSAF qui a mis 3,5 mois à me valider ma proposition – ma demande est tout de même rejetée. 

En ce qui concerne les aide de juin à septembre : les entreprises du secteur de l’événementiel ont le droit de bénéficier d’une extension de l’application du fond exceptionnel de l’aide de l’Etat. Sauf que nous avons une agence d’événementielle immatriculée en tant qu’artisan car comme nous faisons principalement du sur mesure, nous transformons des matières premières (définition de l’artisanat par l’INSEE) ainsi notre code NAF de l’INSEE ne correspond pas au décret d’extension du fond = notre société n’est pas éligible à l’aide du secteur de l’événementiel.

Je dois l’avouer nous avons vu poindre depuis l’été 2020 la liquidation de la société mais je ne m’attendais pas aux refus des aides et la surcharge de l’URSSAF qui ont été de véritables coups durs pour moi. Le coup de grâce arrive avec la réception d’une nouvelle convocation au Tribunal de Commerce le 8 octobre 2020. 

 

Je le redis ici pour que cela soit bien clair : ce paragraphe n’a pas pour objet d’être larmoyant, accusateur ou négatif : ce sont des faits et les Administrations appliquent des procédures décidés par le Gouvernement. 

Je souhaite monter aux salariés les difficultés auxquelles sont parfois exposées les dirigeants et que la relation entre entrepreneurs et Administration n’est pas toujours aisée ou prévisible. 

D/ Octobre 2020 : l’audience de Liquidation

Pour cette audience c’est Amélia qui prend le clavier.

Je me souviens que quand je suis sortie, il faisait soleil et en même temps gris. 

Je me souviens que j’avais chaud et froid. 

Je me souviens que j’avais peur et que j’étais rassurée à la fois. 

Je me souviens que j’ai eu mal à en crever, et que pourtant je me suis sentie libérée d’un poids que je n’avais jamais remarqué avant. 

Je me souviens que j’avais une société qui a construit ma vie, mais qui m’a aussi brisé. 

Je me souviens. 

Ce jour la il faisait chaud et froid à la fois. 

A dire vrai. Paul m’a lâché l’ordi en me disant allez vas y c’est toi qui saura le mieux décrire ça. Il est marrant lui, il a réussit je ne sais comment à vous décrire tout ça comme s’il parlait d’un fait quelconque extérieur alors que rien que de vous écrire ces lignes je me rappelle que j’ai perdu ma vie. 

C’était un jour d’octobre pas tout à fait comme les autres. Il faisait chaud et froid à la fois, c’est surement ça qui m’a le plus émue. Comme dans mon coeur il faisait chaud et froid. Il faisait froid car j’allais dire oui à l’impossible pour moi. Lâcher mon bébé nénuphar dans un néant. Cela ne s’explique pas vraiment, cet attachement inénarrable à une société immatérielle, mais c’était vraiment plus fort que je ne saurais l’écrire. 

Il faisait froid quand on est sortis du parking, je me rappelle avoir eu les joues gelées, et les genoux qui tremblaient. Ils me faisaient d’autant plus mal que la veille on est tombé en filmant devant la Tour Eiffel notre vidéo d’adieu à Paris. (Putain j’ai la gorge qui se sert rien que de l’écrire).

Il faisait froid.

Mais j’avais chaud à la fois. On a parlé longtemps sur le chemin. On s’est dit que peut être qu’on était enfin adultes. On s’est dit que cette audience exceptionnelle avait un sens. Celui de nous forcer à prendre la décision d’abandonner. On croit souvent qu’avoir du courage c’est continuer, mais parfois avoir du courage c’est abandonner. Franchement je crois n’avoir jamais eu autant de courage que ce matin là, en me disant ok, quand je devrais me lever et parler je dirais d’accord on arrête tout.

D’accord, on arrête. D’accord on arrête. 

J’ai répété la phrase non stop entre le parking et le tribunal de commerce. On rentre dans le tribunal. Il fait encore plus froid ici. Qu’est ce que j’ai chaud pourtant. On a 15 minutes d’avance. Les gars maso qui savent qu’ils vont attendre 1h (y’a toujours du retard) mais qui arrive en avance. Bon on pose le tel, on filme une danse et paul qui me fait virevolter. La dans ce tribunal. Ces images que vous avez vu clore la vidéo sur l’annonce de la liquidation. 

On filme je souris, je me dis tu vois ça va c’est que le tourbillon de la vie. 

Et je me répète, tu te lèves et tu dis ok on arrêtes. 

On monte à la salle d’audience. Ce bâtiment immense est en rénovation, c’est troublant et déroutant une reconstruction d’un bâtiment historique. Hasard de la vie, c’est mon endroit préféré de paris l’ile aux fleurs qui jouxte le palais de justice.  Je monte les escaliers, sincèrement résignée, comme si je savais que je devais me mener moi même au bucher. Non parce que outre les haters, les gens qui pensent tout haut que tu aurais pu faire mieux, différemment, que tu as fauté, que t’es nulle et qui ne se privent pas de te le dire. Je les entends. Je les entendais déjà. 

On attends, finalement peu de temps, et tant mieux j’ai cru que j’allais imploser à répéter cette phrase. 

D’accord. On ARRETE. 

On rentre dans la salle, tout le monde nous sourit. Sincèrement je ne m’explique toujours pas pourquoi mais avec nous ils sont terriblement gentils. On retrouve les habitués, le procureur, la commissaire… C’est formel, il énonce la demande de liquidation en reconversion express, explique que depuis 3 semaines rien n’a marché comme prévu… 

Paul essaye de se lever pour abréger la souffrance du truc, car en gros sincèrement 1 an de procédure après 10 ans de société, je crois que c’était l’audience de trop. On en pouvait plus de tenir a bout de bras de nouveaux qu’à deux ce paquebot qui prenait l’eau. Ça a été une barque, puis un bateau… et maintenant c’est une épave au fond de l’eau, vaseuse ou naissent les plus beaux nénuphars. 

Il s’est levé et à dit je voudrais… il s’est fait rassoir direct. Ils ont continué, peut être 5-10-12 minutes à dilapider les promesses de clients, les demandes des créanciers… mais ça m’a paru une éternité. Sincèrement je n’attendais que de me lever pour parler, signer, serrer des mains et partir. 

… 

Et puis tout à basculé. 

On nous dit, tout est noir, tout est foutu, mais nous on croit en vous. Alors on peut vous laisser une dernière chance malgré la crise actuelle, et rester sur le retour en janvier… (vu la situation … ça aurait été tellement pire quand j’y pense)… 

On nous redonne espoir. On se regarde avec Paul, et franchement encore aujourd’hui j’en fais des cauchemars la nuit. Je ne comprends pas. Pas un peu, pas du tout. Je ne comprends pas du tout ce qui se passe. J’ai l’impression qu’on m’a assené un coup dans le dos, au visage et brisé les jambes. 

On m’interpelle, on me dit de parler de me lever. Mais je suis totalement extérieure à l’action. Je me lève et je bafouille, ce qui en toute sincérité ne m’arrive jamais. 

Mais on était venus accepter la liquidation… 

Ma phrase par coeur n’avait plus de sens. Ma répartie prenait l’eau aussi vite que mon entreprise coulait au fond de l’eau. 

Ils étaient très étonnés qu’on dise qu’on veuille accepter la liquidation et non se battre contre. Surement parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce que l’on lache, surement parce que cette audience avait pour but un gros coup de pression. 

Ils m’ont redit rapidement que l’on pouvait envisager… Je regarde Paul, assis. Je susurre alors on continue ? 

J’ai vu son regard encore plus perdu que le mien. Je sais que pour beaucoup ça n’aura pas de sens mais ça été une résignation hallucinante pour nous d’accepter et on s’était préparé. Et qu’on nous retende la main comme ça vraiment… 

Pas de réaction de Paul. 

Je ne sais pas trop je les entendais parler derrière leurs grandes vitres en verre, et dans un état second j’ai avancé, et j’ai dis 

« Nous souhaitons en accord avec votre demande initiale liquider la société car cela vu la situation actuelle et le climat d’incertitude nous semble le plus pertinent »

Je me rappelle juste qu’on m’a laissé sortir, serré la main, dis vous avez bien fait, c’est être adulte et responsable que d’accepter, le commissaire priseur viendra faire l’état des lieux des biens, je l’appelle tout à l’heure… et après black out, jusqu’a ce que j’ai mangé une glace à coté, je me rappelle le gout de fleurs de lait et de pistache concassées… je me rappelle le soleil après un noir complet. 

Je me rappelle avoir mis du jaune, et qu’on m’ait dit que j’avais bien fait, dans un tribunal c’était rare, et faire rentrer du soleil comme je le faisais ici c’était précieux. 

Je me souviens que quand je suis sortie, il faisait soleil et en même temps gris. 

Je me souviens que j’avais chaud et froid. 

Je me souviens que j’avais peur et que j’étais rassurée à la fois. 

Je me souviens que j’ai eu mal à en crever, et que pourtant je me suis sentie libérée d’un poids que je n’avais jamais remarqué avant. 

Je me souviens que j’avais une société qui a construit ma vie, mais qui l’a aussi brisé. 

Je me souviens. Ce jour la il faisait chaud et froid à la fois. 

IV/ Liquidation Simplifiée : Mode d’emploi

A/ Mandataire évolue en LIQUIDATEUR

Je vous disais dans le 2ème article sur la période d’observation l’importance du mandataire. En tant que liquidateur, son rôle est de :

  • Veiller à l’arrêt de l’activité de la société, 
  • Faire cesser toutes les charges (loyer / crédit bail) et récupérer les créances,
  • Estimer si le gérant est fautif : c’est le liquidateur qui peut enquêter et présenter à la Cours les motifs d’un abus de biens sociaux (≈ détournement de fonds de la société pour un intérêt personnel ou contraire à la société) / escroquerie / Abus de confiance ou d’une faute (lourde ou non) de gestion. S’ils sont reconnus ces fautes / délits peuvent entrainer des peines d’interdiction de gérance mais aussi des condamnation pénales de prison et/ou des amendes.

B/ Remise des locaux – Vente des biens

Vous vous souvenez qu’après le jugement de redressement judiciaire, le commissaire priseur a effectué un inventaire de nos biens. Suite à la liquidation, c’est lui qui est chargé de vérifier que cet inventaire n’a pas été malhonnêtement modifié et d’en faire la saisie pour organiser la vente aux enchères. 

Il est aussi chargé de récupérer les clefs de locaux le plus vote possible pour faire arrêter les loyers.

Pour nous, le délai entre le jugement et la récupération des clefs a été d’une semaine. 

Petit Tips : vous ou vos proches pourront participer aux enchères dans le but de racheter les biens qui vous ont une importance affective ou qui pourraient être sous évaluer durant la vente aux enchères. 

C/ Le statut du gérant

Lors du prononcé du jugement de liquidation, le procureur peut demander à ce que la liquidation suive une procédure simplifiée – ce qui a été notre cas car nous n’avions pas de masse salariale et peu d’actifs mobiliers ou immobiliers. Dans ce cas, une audience de liquidation est programmée 6 mois plus tard. La procédure ne peut pas être plus courte et durant ces 6 mois, la gérant conserve son titre (donc il ne change pas d’affiliation au régime de sécurité sociale).

Il n’a pas le droit aux allocations chômage. 

Lors de la nouvelle audience de liquidation, si aucun grief n’est demandé ou retenu pour le dirigeant, celui-ci peut créer une autre structure (société / auto-entreprise) dès le lendemain de la publication du jugement. 

Épilogue

Maintenant vous pouvez mieux comprendre ce qui nous est arrivé durant ces derniers mois. Vous pouvez aussi mieux comprendre ce que peuvent vivre en ce moment les entrepreneurs  qui ont du cesser leur activité ou qui sont encore fermés : les annonces d’aides gouvernementales ne sont pas toujours suivi d’effet concret et là c’est une situation inextricable qui se et en place : pas de revenus + pas de possibilité de travailler.

Pour nous c’est maintenant le moment de mettre en place des systèmes pour payer les dettes qui ont sauté la protection de la société et qui permettent aux créanciers de déclencher des procédures d’huissiers et de saisies de nos biens personnels / Caution solidaire pour pour être remboursées. Le départ en Egypte (= remise des clefs des locaux pro + appartement) + faible coût de la vie sur place sont une des conditions de ces systèmes. Je n’ai pas fui et je suis en contact avec la liquidatrice et les créanciers régulièrement. C’est trop personnel pour être écrit ici mais si vous êtes entrepreneurs dans la même situation que nous, écrivez moi sur insta ou en commentaire et je vous donnerai les conseils que m’a transis Papi Rothschild pour les négociations de créances.

Cependant, malgré tout cela je ne regrette à aucun moment mon choix d’être devenu entrepreneur et je sais déjà que je continuerais dans cette voie pour les années à venir ! 

Je tenterais de faire mieux, avec moins de charges fixes, éventuellement plus d’investissements extérieurs (financiers et / ou humains) mais toujours en restant mon patron – enfin en vrai c’est Amélia le boss… Mais c’est presque pareil 😉 

Je vous love les Nenuflows

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Redressement judiciaire et faillite de la Nymphea's Factory : Période d'observation

WRITTEN BY:
  • Lucie
    REPLY

    Bonjour à vous, je vous suis de loin sur instagram et… je ne suis pas du tout auto-entrepreneuse, mais doctorante en psychologie (et peut être bientôt docteur si je tiens jusqu’au bout, bon la fin approche…), dis comme ça, ça n’a rien à voir, mais pourtant si je partage tellement ce qui est dit dans l’article à propos du courage de savoir abandonner… Je crois que c’est la conclusion à laquelle je suis arrivée, c’est que si j’avais été plus courageuse, j’aurai osé abandonner ce doctorat et c’est par facilité que je ne l’ai pas fait, j’ai juste suivi le cours des choses… Alors oui abandonner cela demande plus de courage que de vouloir toujours à tout prix continuer… En tout cas je vous transmets plein de bonnes ondes pour la suite et merci à vous de parler de sujets comme vous le faites, parce que c’est à travers des articles comme ceux-ci que s’ouvrent des vrais espaces de réflexion.
    « Il y a une fissure dans toute chose ; c’est ainsi qu’entre la lumière »

    4 décembre 2020

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